dimanche 25 mai 2008

Pour toi, Maman...

On entend souvent les éloges d’une personne à titre posthume. On glorifie alors son parcours, son courage et l’histoire réhabilite bien souvent des existences bafouées pour en faire des héros à jamais adulé.
On ne vit qu’à travers le regard des autres : ses amis, sa famille, sa patrie et la naissance comme la mort sont inhérentes à l’espèce humaine. Une fois admit ses postulats universels, on est alors en mesure de prendre du recul, apprécier simplement la vie pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle peut nous offrir : une palette infinie de joie et de peine, et le cœur emplie de gratitude, on peut se tourner vers son prochain…
Aujourd’hui avec la distance, et loin de toi, je mesure le chemin que tu nous as fait parcourir. Aussi loin que remonte mes souvenirs, tu as été à nos cotés, tel un ange gardien veillant à la bonne marche de nos destinés. Ta présence ou plutôt ce lien unique entre nous, accompagne nos vies pleines de doute et de solitude. Tel un phare dans la nuit, tu sais quelque soit la noirceur de l’horizon, nous montrer nos égarements et nous inciter à reprendre le chemin avec sérénité.
Seule, avec tes propres moments de faiblesse, tu as pourtant toujours été le moteur de nos vies. Quelle personne dans notre entourage, peut se vanter d’avoir autant de talents que le ciel à bien voulu lui accorder.
Il fait aujourd’hui que tu te reposes, ne soit pas froissée par cette invitation, elle se veut bienveillante !
Pour donner, il faut recevoir, et aujourd’hui, parfois malgré nous, l’équilibre n’est pas respecté. Allonge toi sereinement, et vois l’étendue de l’œuvre que tu as accomplie jusqu’à présent.
Sous les étoiles, dans cette existence si éphémère, nous avons une chance unique, avoir à nos cotés, et au plus profond du cœur ce sentiment impalpable, ton amour. Pour cela, nous tes enfants te seront à jamais reconnaissants. Tu nous as fait homme et femme aux existences imparfaites mais avec cette même conviction maternelle dont tu as toujours fait preuve, a nous maintenant de guider les générations futures.


Simplement merci.

mercredi 30 avril 2008

De l'autre côté... Nouvelle en cours d'écriture...




Soirée au bar (chap.1)



Face à son verre presque vide, Rémi était avachi, la tête entre ses mains. La dizaine de whisky qu’ils s’étaient envoyés en à peine plus de deux heures ne lui permettaient plus d’accrocher le moindre détail présent dans le bar, sans le voir tournoyer tel un kaléidoscope. Il était saoul au moins depuis vingt minutes, il en avait fait l’amer constatation en allant aux toilettes. Malgré le tournis et le tangage pour les rejoindre, et le demi-litre d’urine aspergé partout autour de la lunette, il continuait sur son rythme de croisière. Il assurait une bonne moyenne, un verre tous les quarts d’heure. Collé au tabouret comme si d’un seul coup la gravité avait été multipliée par quatre, il tourna péniblement la tête avec un craquement de cervicale, et s’aperçut qu’à part les trois poivrots encore assis comme lui en demi-cercle autour du comptoir en bois vermoulu, il ne restait qu’Emile le patron. En ce moment il essuyait pour la dix-huitième fois le même verre à bière avec un vieux torchon à carreaux sorti d’on sait où. Emile, la cinquantaine bien tassée, grand et gros gaillard, les joues et le nez rouges striés de minuscules veines bleutées, synonyme d’un alcoolisme avéré, les yeux délavés, pouvait faire penser à première vue, à un morse échoué sur une plage, cherchant ses congénères.
Ses déambulations se limitaient au stricte minimum, 2.5 mètres tout au plus : la longueur du bar. Un petit poste de radio poussiéreux trônait entre deux bouteilles de gin et diffusait une musique insipide entrecoupée de quelque flashs d’information sans intérêt. A chaque fois pourtant, le même rituel, Emile tempêtait contre la terre entière après avoir entendu les résultats sportifs régionaux. Telle équipe était minable, telle autre aurait mieux fait de rester au vestiaire, lui-même grand passionné du ballon ovale pour l’avoir pratiqué autrefois, ne se privait pas de critiquer tel ou tel joueur, pour ses mauvaises passes, ou ses erreurs tactiques sur le terrain. Un vrai commentateur sportif de premier plan. Une telle verve réclamait pourtant son tribu. Monsieur tournait essentiellement au vin rouge qu’il buvait avec de grand air de connaisseur dans un minuscule ballon, alors qu’au regard des quantités qu’il ingurgitait, c’est au jerrican, qu’il aurait pu le boire…
Pour une personne extérieure, rentrant pour la première fois dans un bouge de cette catégorie, les journées pouvaient sembler monotones et ennuyeuses. Pour ce microcosme local, pourtant la vie s’organisait au rythme des entrées- sorties des habitués, des verres descendus et aux langues qui se déliaient. Parfois une phrase salace venait ponctuer un discours plein d’entrain sur des actions géopolitiques communales à mener de toute urgence. Le bar se transformait alors en assemblée plénière, ou chacun, du commerçant du coin, à la vieille rombière assoiffée, donnait son avis. Ce soir, pourtant rien de tout cela. Rémi, ne venait que le dimanche en fin d’après-midi, au retour de week-end chez ses parents, il côtoyait alors les indéboulonnables. Ceux pour qui le bar était domicile, lieu de vie, prison ou refuge. Remi se sentait bien en leur compagnie, il partageait tous le même silence et les mêmes coups de gueule d’Emile, seul acteur dans cette farce théâtrale. Jamais on ne lui posai de questions, et c’est à peine si il connaissait son prénom au bout d’un an de fréquentation assidue.
- un dernier verre pour la route, lança-il en montrant distinctement son verre à l’adresse d’Emile.
- Bien chef, c’est parti
20h00 approchant, le patron consciencieux, sorti sa botte secrète. Il lui servit en même temps que son verre, une assiette de cacahuète salée. Un pur plaisir. Un doux moment de l’existence ou l’horloge du temps se met pour une fois à interrompre son tic-tac habituel. Ces condisciples lorgnant sur ce bien inestimable, Emile se senti obligé de leur apporter une à chacun. En ayant un tant soit peu l’esprit critique, on aurait pu apparenter cette scène à un numéro de cirque unique. Dans le rôle du dompteur, Emile récompensant ses ouailles pour le tour accompli. Rémi s’en amusait, il était bien le seul.
Tout cela, avant qu’un incident vienne troublé cette douce atmosphère. On ne peut imaginer les conséquences occasionnée par une cacahuète mal avalé : pris de suffocation, Rémi, devint rouge écarlate, il se mis à tousser de plus en plus fort, pour expulser l’intruse, en vain !
Amusé dans un premier temps, par le comique de la situation, Emile impassible, attendait la suite des événements, quant aux autres c’est à peine s’ils avaient prêté attention aux violents raclements de gorge de leur pauvre compagnon. Pris de panique, Rémi, se souvint alors de la formation aux premiers secours qu’il avait suivi dans son entreprise quelques mois auparavant, et agit immédiatement : Il s’introduisit deux doigts au plus profond de la gorge et la réaction fut immédiate, il vomit tout, vraiment tout : du gigot de maman préparé avec soin, au petit pois, il reconnu même des bouts de fruits confis du cake fait maison dans ce fluide informe et gélatineux qui était maintenant répandu ça et la sous les tables du bar. Cet ensemble formait sur le carrelage gris et noir du troquet de cette petite bourgade de province une jolie croûte qui n’avait rien à envier aux peintres avant-gardistes.
Les yeux révulsés, se raclant la gorge, Rémi releva péniblement la tête et regarda la morne assemblée éberluée qui avait pivoté de trois quarts sur leurs tabourets de bar. C’est à ce moment précis que Félicien fit son entrée, il poussa lourdement la porte comme s’il s’était agi des deux battants d’un saloon, le mégot au bec, les cheveux gras et hirsutes, un bronzage uniforme composé de crasse marron. Manifestement les dernières nuits passées dans les cartons, avaient quelques peu entamé sa fraîcheur. La porte, en se refermant, laissa se répandre dans la salle un fumet immonde. A dire vrai, ce n’était pas de simple flatulence, du à un repas bien arrosé et riche en graisse, que laissait Félicien derrière lui, mais plutôt l’habitude de se servir de son pantalon comme papier toilette. Une scène apocalyptique. Même Emile qui en avait vu d’autre dans sa longue existence de taulier, pris un coup de vieux, il se réfugia derrière son bar, les autres continuait impassiblement à picorer leur assiettes de cacahuètes, quant à Rémi, pris entre cette conjonction d’effluves, sentant des hauts le cœur approchés, préféra s’excuser auprès du patron et quitter au plus vite ce palais en laissant quelques piécettes en guise de pourboire…

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Réalité ou fiction… (chap.2)



Un mauvais goût dans la bouche, des relents indescriptibles derrière les amygdales, encore chancelant, Rémi se dirigea vers l'unique fontaine du village, mouilla ses mains et s'en aspergea le visage et la nuque. Il faisait encore bon et la chaleur accumulée dans la journée se dissipait maintenant par ondes successives portées par les embruns d'un lilas voisin. Rémi s'échoua non loin de la sur un banc. La légère brise estivale ramenait vers lui, de fines gouttelettes d'eau et formait autour de lui une brume vaporeuse très agréable. Il n'habitait qu'à deux pas dans la rue piétonne, mais il n'avait pas encore envie de rentrer. L'appartement qu'il louait se trouvait sous les combles d'un immeuble faisant l'angle de la rue piétonne et de la place de l'église. Les deux premiers étages étaient occupés par la boutique de lingerie fine CHIC & CHOC. La présence de ce commerce faisait toujours sourire Rémi. Au regard de la population présente dans sa commune il s'interrogeait tout le temps sur la viabilité d'une telle entreprise; lui-même n'apercevait que très rarement quelques passants hardis s'arrêtant devant la vitrine un court instant avant de disparaître semblant gênés. Lui, se contentait de fermer les yeux et s'évadait alors dans un monde ou le commun des mortels se baladait quasi nu simplement vêtu des dessous de la boutique. l'espace d'un instant il naviguait alors entre fantasme et parodie de cabaret sélect.
Lui-même n'était pas un standard de beauté ; sans être vilain, il ne représentait pas non plus un modèle d'apollon. Grand, 1m 90, il avait les cheveux châtains filasses qu'il laissait tomber sur ses épaules voûtées. Des vêtements quelconques auxquels il n'accordait aucune attention, ne le rendait guère plus attirant. Sa taille longiligne, alliée à une démarche nonchalante lui conférait des airs de grands échassiers qu'on rencontre parfois dans certaines zones marécageuses de Camargue. Pour Rémi, l'aspect physique et vestimentaire n'avait aucune importance, d'ailleurs ce n'était pas seulement à ces deux points que Rémi ne prêtait pas attention. Sa vie était fade comme le plat congelé qu'il projetait de se faire à dîner, ou le déodorant bon marché qu’il utilisait après la douche.
En rentrant chez lui, le visiteur découvrait un appartement à son image. Ces goûts culinaires ne nécessitaient qu’un minimum de vaisselle, le plus souvent qu’il achetait jetable. Sa garde robe se limitait à quelques pulls aux mailles grossières et bien souvent effilochés. Ça et là deux ou trois jeans élimés complétaient cette panoplie de play-boy entreposée dans un placard ou une horde de mites et autres troubles-fête s’en donnaient à cœur joie. En fait son nid douillet ne comportait qu’une pièce unique hormis la salle de bain très petite, très humide, et répandant des effluves nauséabondes à chaque chasse d’eau tirée. La tapisserie d’un rose bonbon foudroyait le visiteur et partait en lambeaux., Dessous, le mur laissait paraître des taches noirâtres du meilleur goût. Salon, cuisine, chambre tout était regroupé dans un capharnaüm sans nom. Un lit de camp faisait office de canapé face à une télé au fonctionnement peu probable monté sur un trépied métallique. Une cuisine des plus fonctionnelle offrait à Rémi de caser son micro-onde sur un plan de travail aussi spacieux qu’un confetti. Une moquette jaune pisse abritait des objets hétéroclites : un briquet vide, une brosse à dents sans poil, de vieilles piles usagées et bien d’autre trésors d’inutilités. Pour sa décharge, Rémi envisageait de remédier à cet état de délabrement, mais face à cette tache colossale, il préférait remettre cela à plus tard…
Dans ce même état d’esprit, face aux sollicitations de sa mère il trouvait toujours un subterfuge contre ses envies de visiter son havre de paix, comme il l’appelait parfois. Pour la tranquillité, il est vrai qu’il ne pouvait pas mieux tomber. Après 19h00, fermeture de la boutique, il se retrouvait le seul locataire de l’immeuble, il ouvrait alors sa fenêtre laissant rentrer un rayon de soleil et un peu d’air chassait cette vieille odeur de tabac froid imprégnant les lieux depuis son arrivée.
Ayant retrouvé quelque peu ses esprits après cette séance de brumisation, Rémi remonta la petite rue piétonne et monta quatre à quatre les marches conduisant à son domicile. Il n’aimait pas le dimanche soir : devoir affronter une semaine supplémentaire était au dessus de ses forces. Des études bâclées sans véritable diplôme en poche, il occupait un modeste poste d’ouvrier dans une fabrique de pièces mécaniques. Son salaire légèrement supérieur au SMIC, ne lui permettait pas de se projeter dans l’avenir. Il avait à peine trente ans, et aucun bien de valeur, tout juste une vieille Peugeot criblée de point de rouille lui permettant de rejoindre sa mère le Week-end et de se rendre au travail durant la semaine. Une morne existence en somme contrebalancée par une imagination particulière, ou pour être plus exacte : Rémi était acteur de ses propres rêves. Mais pas n’importe lesquels, il ne se rêvait pas au volant de voitures clinquantes customisées bourrées d’accessoires, ou affalé dans le dernier canapé d’angle idéal pour les soirées entre amis, non c’était autre chose.
Les objets ou des situations de la vie courante, sous son regard se métamorphosaient en des scènes érotiques et des personnages aux caractères plus délurés les uns que les autres faisaient leur apparition.
A 13-14 ans, l’adolescent introverti qu’il était se referma encore davantage sur lui-même. Seul face à ces étranges visions, il n’en parla même pas à sa mère, pour qui depuis le décès de son père, il vouait une confiance sans faille.
Avec le temps il avait appris à se complaire dans cet univers peuplé de formes généreuses et lascives. Sa propre existence morose s’évaporait et, le sourire aux lèvres dans une béatitude extatique, Rémi se détachait alors de son enveloppe charnelle et goûtait aux délices crées par son imagination.
Pourtant, le mois dernier cela lui avait presque coûté sa main : l’espace d’un instant, il avait échangé sa blouse bleu d’ouvrier intervenant sur la matrice de sa presse hydraulique, en une blouse blanche de gynécologue explorant de ces doigts habiles l’utérus d’une de ses patientes. Poussant plus avant dans les entrailles de la machine, il ne s’était pas rendu compte de la nature tranchante des objets palpés. Cela lui avait valu quelques points de suture et une belle réprimande de son chef bougonnant en lui signant son arrêt de travail.


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jeudi 20 décembre 2007

En bref...(Part 2)

La fin de l'Histoire pourrait très bien être marquée par les débuts d'une ère où les erreurs tragiques de l'histoire seraient amplifiées par une technique de plus en plus puissante au service d'une humanité de moins en moins morale. Lewis Mumford rappelait déjà, il y a plus de trente ans, dans The Conduct of Life, qu'on avait mis les grandes ressources de l'abstraction scientifique à la disposition d'imbéciles moraux et de psychotiques. Il y a de moins en moins de place pour la morale dans la société technico-démocratique. Comme le dernier Homme de Nietzsche, l'homme d'aujourd'hui ne songe qu'à sa santé. Il se lèvera dans un restaurant pour protester contre le fait qu'un être libre ose allumer une cigarette, mais dans le même restaurant, il ne songera même pas à s'indigner s'il voit «un homme insulté une pauvre serveuse. [...] En fait, le commandement "restez en bonne santé" a pris le statut d'impératif moral, le seul dont nous ayons à remplir le grand vide de notre esprit»

Rétrospectives

70 : les années 70 sont encore sous l'effet cocaïne des Trente Glorieuses. La guerre est finie et le travail ne manque pas. Babyboom et flower generation. Peace, love, fun, tout est bon pour que ces années soient celles du bien être et de la paix intérieure. Le be positive américain a traversé l'océan. La consommation est devenue un signe ostentatoire. On accumule les produits ménagers : une télé dans chaque foyer. Les familles deviennent narcissiques, il s'agit de montrer qu'on a de l'argent : la voiture n'est plus qu'un moyen de locomotion, c'est aussi un signe de distinction sociale. Le modèle bourgeois du confort chez soi se généralise : on se meuble chez But (pour l'ameublement, l'électroménager, chosisissez bien, choisissez But), on s'équipe chez Darty (le contrat de confiance), on consomme chez Mammouth (qui bien sûr écrase les prix).
80 : les foyers consomment toujours plus et les banques leur proposent des crédits à la consommation. Du coup, la consommation commence à se dématérialiser en même temps que l'argent se dématérialise (les cartes bancaires font leur apparition, la bourse se démocratise, le travail n'est plus nécessaire pour acquérir un bien). La crise se généralisant, le chômage menaçant, beaucoup compensent comme ils peuvent. Peu savent épargner. Il en résulte un appauvrissement total du sens. Voici l'ère du facile, de l'accessible, du facilement accessible, du bon sens près de chez vous, des consommateurs traités comme des enfants gatés. L'individualisme se généralise (les plats individuels remplissent les congélateurs des hypermarchés). La mode unique cède sa place à une segmentation micro-sociale et micro culturelle. Cette segmentation sociale s'accompagne d'une segmentation commerciale avec la multiplication des produits, des marques, des réseaux de distribution, des supports et des médias.
90 : le consommateur est passé de l'âge con de l'adolescence à l'âge adulte. Il est retombé sur terre et à la réalité de son compte bancaire. Surendetté, il gère. Craignant de subir la crise, il a des vélléités d'épargne. Adulte, il est à la recherche d'équilibre et d'harmonie. Là où il était impulsif, il analyse et réfléchit. La consommation est rationnalisée au maximum en ce sens qu'on calcule son budget. Et tant qu'à faire, on évalue la qualité des aliments, protides, lipides et glucides, OGM, pas OGM, provenance de la viande, etc. Ce repli vers le naturellement bon s'accompagne d'un repli vers les années passées. La nostalgie est partout, à la télé (les enfants de la télé), à la radio (radio nostalgie), dans la ville (les mille et un anniversaires). Claude François est déterré, promu mythe, remixé. Cette génération est foutue, elle laissera peu de traces de son passage dans la mémoire collective.
L'an 2000, année 0 : retour de la croissance. Nouvelle révolution industrielle, la nouvelle économie a ses exigences : il faut se défoncer au boulot, ne pas compter son temps, manger et boire énergétique tout en affichant la mine débonnaire tendance du moment (vaguement dépeigné, pantalon un tantinet trop large, tee shirt design, piercing habilement affiché, cernes stylisées, pâleur top model : la non ostentation affichée comme signe ostentatoire...). Il se dit affranchi mais il est overbooké. Il revendique son individualisme mais toute son activité est sous contrôle. Toutefois, la crise passée est dans toutes les mémoires. On veut bien se décaler mais surtout ne pas risquer sa place, alors le système est vécue comme une sorte de fatalité. Le consommateur est plus que jamais unique, insaisissable, volatile. Individualiste ayant besoin des autres, il boude les institutions au profit de tribus qui peuvent facilement se transformer en clubs de supporters, en groupes de travail ou en sectes. Ces communautés sont ethniques, religieuses, régionales, sportives, culturelles, politiques, voire techniques.

En bref...

Foutue Génération.On mange bio, on mange zen, tant pis parfois pour le goût. On mange des sushis. La mode s'est adaptée, ainsi que la publicité. La dernière pub Levi's avec les coutures tournantes nous montre un monde tellement génétiquement modifiable que les corps se tordent et se détordent comme du linge mouillé qu'on tord pour l'essorer. Le linge représente de jeunes surfeurs qui affichent la non-ostentation comme signe ostentatoire avec le label du jean authentique : Levi's. Ils ont l'air de se foutre de tout : ils en ont réellement rien à foutre. Ils ont leur tribu, ils s'amusent bien, ils remontent dans leur voiture. On ne sait pas ce qu'ils ont foutu avant. On ne sait pas ce qu'ils vont foutre après. Génération qui n'a plus besoin de mémoire. Foutue. No future gueulaient les punks en 79. La conscience du politique est tellement loin que le fantôme de Cohn Bendit soixante huitard est réveillé au nom de la bonne morale qui sévit depuis quelques années à la faveur de la montée en puissance de la majorité bien pensante : l'enfer. 70 : révolution sexuelle et comme toute révolution celle-ci n'échappe pas à la règle du débordement, y compris du débordement verbal. Mais dans le même temps, si les propos de Cohn Bendit sont expertisés, décontextualisés, on oublie les ballets bleus auxquels participait un Charles Trenet aujourd'hui absous, confessé, immaculé. La conscience du politique est tellement loin que les intempéries sont imputables au premier ministre : ils ont été nombreux les habitants de la Somme à accuser Jospin d'avoir fait pleuvoir des trombes d'eau sur leurs terres réputées inondables. La prochaine fois que mon cerisier gèle, promis, j'accuse Bayrou. Nouvel obscurantisme qui comme tout obscurantisme se distingue par un éloignement particulier du réel. Réel désormais médiatisé, transformé en spectacle. Réel jetable à l'instar des appareils et des rasoirs. Jetable. Foutu. "Le jour où l'humanité perdra son conteur, elle perdra du même coup son enfance". Les ailes du désir. Wim Wenders/Peter Handke.

mercredi 19 décembre 2007

Complainte d'un hérisson (Nouvelle en cours d'écriture...)

Depuis que je suis ici, c'est bien la saison d'hiver qui me parait la plus belle. "Eduard Morike"