jeudi 20 décembre 2007

Rétrospectives

70 : les années 70 sont encore sous l'effet cocaïne des Trente Glorieuses. La guerre est finie et le travail ne manque pas. Babyboom et flower generation. Peace, love, fun, tout est bon pour que ces années soient celles du bien être et de la paix intérieure. Le be positive américain a traversé l'océan. La consommation est devenue un signe ostentatoire. On accumule les produits ménagers : une télé dans chaque foyer. Les familles deviennent narcissiques, il s'agit de montrer qu'on a de l'argent : la voiture n'est plus qu'un moyen de locomotion, c'est aussi un signe de distinction sociale. Le modèle bourgeois du confort chez soi se généralise : on se meuble chez But (pour l'ameublement, l'électroménager, chosisissez bien, choisissez But), on s'équipe chez Darty (le contrat de confiance), on consomme chez Mammouth (qui bien sûr écrase les prix).
80 : les foyers consomment toujours plus et les banques leur proposent des crédits à la consommation. Du coup, la consommation commence à se dématérialiser en même temps que l'argent se dématérialise (les cartes bancaires font leur apparition, la bourse se démocratise, le travail n'est plus nécessaire pour acquérir un bien). La crise se généralisant, le chômage menaçant, beaucoup compensent comme ils peuvent. Peu savent épargner. Il en résulte un appauvrissement total du sens. Voici l'ère du facile, de l'accessible, du facilement accessible, du bon sens près de chez vous, des consommateurs traités comme des enfants gatés. L'individualisme se généralise (les plats individuels remplissent les congélateurs des hypermarchés). La mode unique cède sa place à une segmentation micro-sociale et micro culturelle. Cette segmentation sociale s'accompagne d'une segmentation commerciale avec la multiplication des produits, des marques, des réseaux de distribution, des supports et des médias.
90 : le consommateur est passé de l'âge con de l'adolescence à l'âge adulte. Il est retombé sur terre et à la réalité de son compte bancaire. Surendetté, il gère. Craignant de subir la crise, il a des vélléités d'épargne. Adulte, il est à la recherche d'équilibre et d'harmonie. Là où il était impulsif, il analyse et réfléchit. La consommation est rationnalisée au maximum en ce sens qu'on calcule son budget. Et tant qu'à faire, on évalue la qualité des aliments, protides, lipides et glucides, OGM, pas OGM, provenance de la viande, etc. Ce repli vers le naturellement bon s'accompagne d'un repli vers les années passées. La nostalgie est partout, à la télé (les enfants de la télé), à la radio (radio nostalgie), dans la ville (les mille et un anniversaires). Claude François est déterré, promu mythe, remixé. Cette génération est foutue, elle laissera peu de traces de son passage dans la mémoire collective.
L'an 2000, année 0 : retour de la croissance. Nouvelle révolution industrielle, la nouvelle économie a ses exigences : il faut se défoncer au boulot, ne pas compter son temps, manger et boire énergétique tout en affichant la mine débonnaire tendance du moment (vaguement dépeigné, pantalon un tantinet trop large, tee shirt design, piercing habilement affiché, cernes stylisées, pâleur top model : la non ostentation affichée comme signe ostentatoire...). Il se dit affranchi mais il est overbooké. Il revendique son individualisme mais toute son activité est sous contrôle. Toutefois, la crise passée est dans toutes les mémoires. On veut bien se décaler mais surtout ne pas risquer sa place, alors le système est vécue comme une sorte de fatalité. Le consommateur est plus que jamais unique, insaisissable, volatile. Individualiste ayant besoin des autres, il boude les institutions au profit de tribus qui peuvent facilement se transformer en clubs de supporters, en groupes de travail ou en sectes. Ces communautés sont ethniques, religieuses, régionales, sportives, culturelles, politiques, voire techniques.

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